Voici l'interview complète donnée cet été aux Francos Reporters à l'issue des Francofolies de La Rochelle.
- Qu'est ce qui t'a fait tomber
amoureux de la musique folk?
J’ai toujours été passionné par la culture et l’histoire américaines.
Je ne sais pas trop comment c’est arrivé, mais je me souviens que tout petit je
disais que je voudrais aller vivre un jour aux US, de préférence en pleine
campagne dans l’Arkansas, l’Idaho ou peu importe. Les années venant, j’ai
commencé à m’intéresser aux cultures populaires en général, à la littérature, à
la poésie, et c’est donc assez naturellement que la musique folk est devenue
pour moi quelque chose d’essentiel : il y avait en condensé au sein de
cette musique un héritage culturel, une histoire, une authenticité et une
puissance d’évocation et d’inspiration sans fin.
- Comment cette idée de marier la folk
et la chanson française t'est-elle venue? As-tu déjà envisagé de chanter en
anglais?
Oui, j’ai commencé par écrire et chanter en anglais avec mon projet
Texas in Paris, à un moment où j’évoluais dans un milieu très international
(j’ai fait des études en Norvège). En parallèle, j’ai toujours écrit des petits
textes en français, sous le format de poèmes ou de nouvelles. Et puis un jour,
j’ai réussi à allier les deux composantes de ce qui me faisait vibrer en
musique : des structures musicales « folk » et un registre
d’écriture à l’américaine (j’écoutais beaucoup Leonard Cohen et Townes Van
Zandt), mais écrit en français, ma langue à moi, qui me permet d’aller au bout
dans l’accomplissement du texte. J’avais l’habitude de dire lorsque j’étais sur
scène il y a quelques mois que je faisais du « songwriting » folk
américain, mais en français.
- Penses-tu que la folk devrait prendre
une part plus importante dans la culture française?
Je pense que les cultures populaires en général devraient être
davantage promues, enseignées, étudiées et diffusées. La musique folk comme je
la comprends, c’est la transcription par les mots et la musique d’une
authenticité d’un instant donné, écrite par un homme ou une femme d’une époque
donnée et qui traduit des sentiments qui lui sont propres. Elle évoque donc le
patrimoine d’une région, d’un groupe de personnes, une langue, une histoire...
Mais je parle là de la musique « folk » au sens large, celle de Woody
Guthrie, Townes Van Zandt, Bob Dylan aux Etats-Unis, mais également celle de
Felix Leclerc au Québec, de Ferré, Brassens, Jacques Bertin ou Moustaki ici en
France. La musique populaire d’une époque qui par la dimension poétique de ses
textes parvient à sublimer cette époque. Je pense que la musique a des vertus
éducationnelles puissantes, et que le folk, comme le blues ou le rap ces vingt
dernières années, a ce mérite de pouvoir parler d’une époque avec vérité, sans
chercher à la travestir. Ce devrait donc être primordial de chercher à
conserver et transmettre ce patrimoine auprès de la jeunesse notamment, à
travers l’école et les médias. Les radios dites populaires aujourd’hui ne
reflètent pas franchement la culture vraiment populaire et les réalités
artistiques de notre époque, malheureusement. On est trop souvent dans le
divertissement pur, qui n’est pas dénué d’intérêt, mais qui peut avoir tendance
à pervertir la conception qu’ont les gens de l’art musical et de la chanson, et
donc d’entrainer une rupture des stimulations artistiques et du potentiel de
créativité de chacun. Et une culture qui ne viendrait plus que du haut, qui
n’aurait plus de réalité de terrain (bricolage de chansons dans le grenier de
ses parents par exemple) serait une bien triste culture.
- Te sens-tu proche de ton public?
Ceci étant dit, oui, je me sens proche de mon public ! Du temps de
Texas in Paris, et aux premiers mois de Baptiste W. Hamon, je m’accompagnais
seul à la guitare, ce qui me permettait de jouer à peu près n’importe où :
bars, appartements, métro. C’est une des choses que j’aime le plus dans mon
métier: raconter des histoires aux gens, avec mes mots, et le plus simplement
possible ! Dans le genre de musique que je fais, les concerts sont très
importants : il n’y a pas de musique folk sans rapport direct avec le
public.
- La notion de "quitter
l'enfance" revient souvent dans tes propos et c'est notamment le titre de
ton blog, qu'entends-tu par-là?
J’ai écrit mes premiers textes en français au moment où je rentrais
dans la vie professionnelle, à l’issue de mes études. Je me suis rendu compte
que le premier vrai changement de paradigme de ma vie a été ce moment là, où je
me suis posé des questions que je ne me posais pas jusque là. Que faire, où
vivre, quelle route emprunter pour s’accomplir au mieux ? Quitter
l’enfance, ce serait quitter une certaine forme d’insouciance pour se
confronter à ses propres choix, avec toutes les difficultés mais aussi les
bonheurs potentiels immenses qui en découlent. C’est à ce moment là que j’ai
décidé d’arrêter le boulot que je faisais pour me consacrer pleinement à
l’écriture.
- Avec quels artistes aimerais-tu
collaborer?
Parmi les artistes de ma génération, j’admire le travail du songwriter
texan Micah P. Hinson, qui vient de sortir un nouvel album chez Talitres, un
label indépendant français. Sinon, j’adore l’univers développé par les
acadiennes Lisa Leblanc et les Hay Babies, que j’ai récemment rencontrées au
festival Alors Chante de Montauban. En France, je suis un grand admirateur de
Dominique A., de Bertrand Belin, Benjamin Biolay, Vincent Delerm ou Pascal
Bouaziz de Mendelson, avec lesquels ce serait super de pouvoir collaborer un
jour !
- Lorsque tu jettes un œil à ton
parcours, qu'est-ce que le Chantier t'as apporté en tant qu'artiste?
Le Chantier est une aide extrêmement précieuse pour les artistes qui
ont la chance de pouvoir y participer. Au delà des sessions de travail, qui
nous permettent de prendre du recul sur notre propre démarche artistique, il y
a par la suite un accompagnement très concret et un suivi extrêmement stimulant.
On a la possibilité de rencontrer d’autres jeunes artistes, ce qui nous permet
d’échanger, de comprendre les démarches et les aspirations de chacun, nos
envies d’avancer… Le chantier agit comme un catalyseur intelligent et
bienveillant.
- Te sers-tu de ta musique comme moyen
d'exprimer tes sentiments?
Mes textes traduisent en partie la teneur de mes sentiments à un moment
précis, mais pas seulement. Je pense qu’un bon texte doit savoir largement puiser
dans l’histoire personnelle de son auteur, mais sa traduction poétique doit
pouvoir parler à tous. Fabriquer une chanson, c’est faire passer son propre
ressenti, ou son humeur d’un moment donné, d’une dimension personnelle à une
dimension universelle. Des sentiments réels (idée d’authenticité) poétisés de
façon à pouvoir parler à tous.
- Au final, te sens-tu plus texan ou
français?
Je suis français, mais le rêve américain fonctionne encore complètement
pour moi ! De par les bouquins que je lis et la musique que j’écoute, je
me trouve en partie imprégné par la culture populaire américaine, et texane en
particulier, ce qui fait que je me sens presque chez moi quand je foule le sol US.
Chez moi mais avec la petite boule d’excitation dans le ventre en plus, qui me
fait comprendre qu’il faudrait que j’y aille plus souvent.
-
Le compliment que tu préfères entendre?
Lorsque les gens disent avoir eu des frissons à l’écoute d’une de mes chansons.
C’est la plus belle chose qu’une chanson puisse procurer à son auditeur selon
moi. Le mystère d’un frisson…
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