mercredi 17 novembre 2010

Soyons fous.



Soyons fous. Reprenons. L'acuité a repris sa remarquable ascension, à grands coups d'illusions, de sévices maquillés et d'idiomes nouveaux pour adultes désavisés. Je sais, donc je sais. Ignoble maxime. La relativité des vérités s'acquiert par le mouvement, et celui-ci prend des allures de fuites contrôlées. La relativité se révèle alors être elle-même inconsistante et dépourvue de sa fragile noblesse. Heureux soient ceux qui pleurent, et répondent aux artifices du monde par les larmes, symboles du passage à l'immanence supérieure des terres obscures. Absurdes sont les paroles des béats, je récuse leurs débats et évoque a contrario la désindividuation assumée, cette espèce de mort ponctuelle et permanente, sans cesse réinvoquée, qui seule nous fait parvenir à l'émotion suprême. Et si tu avais raison, toi la Creusée, lorsque tu disais que ce monde n'avait de valeur que parce qu'aucun de ses éléments n'était vrai, et que lui-même n'avait absolument aucun sens prismatique ? C'est la théorie du rien, et qui fait vivre à l'infini ceux qui se meurent dans le prétendu sensé.


Alors oui, reprenons. Récusons la nonchalance qui conduit à l'improductif reflux. Étourdissons les lignes du soupir, qui nous enjoignent à comprendre la mauvaise place de nos corps. Sachons dogmatiser l’ignorance, aimons les hommes, les feuilles de l’automne, primons ce que nous sentons être lumineux, quelques mots évoqués par untel, quelques phrases d’absent espoir. Donne-moi ton souffle, et je te donnerai le mien, paraphrasons les mythes des anciens, qui installèrent pour nous l’étal de bronze pour nos vies à déconstruire. J’aime la lumière du Soleil, et celle de la Nuit, j’aime le sourire fécond que tu avais, en ce mois d’avril révolu où nous jouions dans la neige, j’aime ce besoin de demain comme une insulte ou bien un rire, ce désir d’espace, et ces stimulations soudaines déposées par les mots. 



Reprenons, et ne nous arrêtons plus, car seules les tensions apportées par nos replis digitaux alimentent quelque complicité entre nos douleurs et nos corps. Reprenons les rimes, les saisons moroses, la joie du train qui passe, la puissance d’une mélodie qui nous emmène en arrière. Reprenons enfin les images que nous nous faisions des idées salvatrices. Elles étaient raison au tarissement des lignes. Il fait bon, à Paris, en Novembre, et tu sombrais sans diligence. Il fait bon, une lame sur le front, la bouche grande ouverte. Il fait bon penser clair et rétréci, dans l’héritage promis. Il fait bon passer la main sur les pierres d’étranges couleurs qu’on trouve au pas des portes, ces pierres qui nous invitent à rassembler nos lyres, et nous arrêter tous ensemble dans les demeures interdites. Tu viens, Bobby, tu viens Judy, tu viens mon frère, tu viens Princesse aux yeux de lierre qui s’agrippent à mon cœur ? Nous pourrons sourire comme avant, comme aux curieux temps des grâces, préalables à nos mensonges de nouveaux-nés. Tu viens ? Nous étions là, oui, poussières ou bien rois, dans cet univers affable ! Ces milliers de germes ambrés, ces marbres aux vernis éclatants, ces émeraudes truquées sont la preuve de notre errance à travers les temps, et du plaisir que nous avons pris à traverser les lignes de l’espace. Soyons fou. Reprenons. Walt Whitman s’écriait :

Sous les étoiles le silence de la nuit,
La plage de l’océan et le murmure craquant de la vague à la voix bien connue,
Et l’âme tournée vers toi, Mort aux vastes voiles,
Et le corps reconnaissant niché tout contre toi.

Son chant joyeux trahissait sa grande assimilation de la complexité de nos états, pourvus d’une affiliation interminable et terrible, à la mesure du potentiel déchu des âmes de ce monde. Écoutons ses dires, ceux de quelques autres, et reprenons les nôtres. Le plus grand des mépris que l’on peut accorder aux races, ça n’est pas d’être blêmes et aliénées, mais d’avoir établi l’honneur en qualité. Reprenons la plume, et combattons ensemble, car nous vivrons vieux, quel qu’en soit le monde.

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