jeudi 21 août 2014

Interview Francos Reporters

Voici l'interview complète donnée cet été aux Francos Reporters à l'issue des Francofolies de La Rochelle. 




-          Qu'est ce qui t'a fait tomber amoureux de la musique folk?

J’ai toujours été passionné par la culture et l’histoire américaines. Je ne sais pas trop comment c’est arrivé, mais je me souviens que tout petit je disais que je voudrais aller vivre un jour aux US, de préférence en pleine campagne dans l’Arkansas, l’Idaho ou peu importe. Les années venant, j’ai commencé à m’intéresser aux cultures populaires en général, à la littérature, à la poésie, et c’est donc assez naturellement que la musique folk est devenue pour moi quelque chose d’essentiel : il y avait en condensé au sein de cette musique un héritage culturel, une histoire, une authenticité et une puissance d’évocation et d’inspiration sans fin.

-          Comment cette idée de marier la folk et la chanson française t'est-elle venue? As-tu déjà envisagé de chanter en anglais?

Oui, j’ai commencé par écrire et chanter en anglais avec mon projet Texas in Paris, à un moment où j’évoluais dans un milieu très international (j’ai fait des études en Norvège). En parallèle, j’ai toujours écrit des petits textes en français, sous le format de poèmes ou de nouvelles. Et puis un jour, j’ai réussi à allier les deux composantes de ce qui me faisait vibrer en musique : des structures musicales « folk » et un registre d’écriture à l’américaine (j’écoutais beaucoup Leonard Cohen et Townes Van Zandt), mais écrit en français, ma langue à moi, qui me permet d’aller au bout dans l’accomplissement du texte. J’avais l’habitude de dire lorsque j’étais sur scène il y a quelques mois que je faisais du « songwriting » folk américain, mais en français.

-          Penses-tu que la folk devrait prendre une part plus importante dans la culture française?

Je pense que les cultures populaires en général devraient être davantage promues, enseignées, étudiées et diffusées. La musique folk comme je la comprends, c’est la transcription par les mots et la musique d’une authenticité d’un instant donné, écrite par un homme ou une femme d’une époque donnée et qui traduit des sentiments qui lui sont propres. Elle évoque donc le patrimoine d’une région, d’un groupe de personnes, une langue, une histoire... Mais je parle là de la musique « folk » au sens large, celle de Woody Guthrie, Townes Van Zandt, Bob Dylan aux Etats-Unis, mais également celle de Felix Leclerc au Québec, de Ferré, Brassens, Jacques Bertin ou Moustaki ici en France. La musique populaire d’une époque qui par la dimension poétique de ses textes parvient à sublimer cette époque. Je pense que la musique a des vertus éducationnelles puissantes, et que le folk, comme le blues ou le rap ces vingt dernières années, a ce mérite de pouvoir parler d’une époque avec vérité, sans chercher à la travestir. Ce devrait donc être primordial de chercher à conserver et transmettre ce patrimoine auprès de la jeunesse notamment, à travers l’école et les médias. Les radios dites populaires aujourd’hui ne reflètent pas franchement la culture vraiment populaire et les réalités artistiques de notre époque, malheureusement. On est trop souvent dans le divertissement pur, qui n’est pas dénué d’intérêt, mais qui peut avoir tendance à pervertir la conception qu’ont les gens de l’art musical et de la chanson, et donc d’entrainer une rupture des stimulations artistiques et du potentiel de créativité de chacun. Et une culture qui ne viendrait plus que du haut, qui n’aurait plus de réalité de terrain (bricolage de chansons dans le grenier de ses parents par exemple) serait une bien triste culture.

-          Te sens-tu proche de ton public?

Ceci étant dit, oui, je me sens proche de mon public ! Du temps de Texas in Paris, et aux premiers mois de Baptiste W. Hamon, je m’accompagnais seul à la guitare, ce qui me permettait de jouer à peu près n’importe où : bars, appartements, métro. C’est une des choses que j’aime le plus dans mon métier: raconter des histoires aux gens, avec mes mots, et le plus simplement possible ! Dans le genre de musique que je fais, les concerts sont très importants : il n’y a pas de musique folk sans rapport direct avec le public.

-          La notion de "quitter l'enfance" revient souvent dans tes propos et c'est notamment le titre de ton blog, qu'entends-tu par-là?

J’ai écrit mes premiers textes en français au moment où je rentrais dans la vie professionnelle, à l’issue de mes études. Je me suis rendu compte que le premier vrai changement de paradigme de ma vie a été ce moment là, où je me suis posé des questions que je ne me posais pas jusque là. Que faire, où vivre, quelle route emprunter pour s’accomplir au mieux ? Quitter l’enfance, ce serait quitter une certaine forme d’insouciance pour se confronter à ses propres choix, avec toutes les difficultés mais aussi les bonheurs potentiels immenses qui en découlent. C’est à ce moment là que j’ai décidé d’arrêter le boulot que je faisais pour me consacrer pleinement à l’écriture.

-          Avec quels artistes aimerais-tu collaborer?

Parmi les artistes de ma génération, j’admire le travail du songwriter texan Micah P. Hinson, qui vient de sortir un nouvel album chez Talitres, un label indépendant français. Sinon, j’adore l’univers développé par les acadiennes Lisa Leblanc et les Hay Babies, que j’ai récemment rencontrées au festival Alors Chante de Montauban. En France, je suis un grand admirateur de Dominique A., de Bertrand Belin, Benjamin Biolay, Vincent Delerm ou Pascal Bouaziz de Mendelson, avec lesquels ce serait super de pouvoir collaborer un jour !

-          Lorsque tu jettes un œil à ton parcours, qu'est-ce que le Chantier t'as apporté en tant qu'artiste?

Le Chantier est une aide extrêmement précieuse pour les artistes qui ont la chance de pouvoir y participer. Au delà des sessions de travail, qui nous permettent de prendre du recul sur notre propre démarche artistique, il y a par la suite un accompagnement très concret et un suivi extrêmement stimulant. On a la possibilité de rencontrer d’autres jeunes artistes, ce qui nous permet d’échanger, de comprendre les démarches et les aspirations de chacun, nos envies d’avancer… Le chantier agit comme un catalyseur intelligent et bienveillant.

-          Te sers-tu de ta musique comme moyen d'exprimer tes sentiments?

Mes textes traduisent en partie la teneur de mes sentiments à un moment précis, mais pas seulement. Je pense qu’un bon texte doit savoir largement puiser dans l’histoire personnelle de son auteur, mais sa traduction poétique doit pouvoir parler à tous. Fabriquer une chanson, c’est faire passer son propre ressenti, ou son humeur d’un moment donné, d’une dimension personnelle à une dimension universelle. Des sentiments réels (idée d’authenticité) poétisés de façon à pouvoir parler à tous.


-          Au final, te sens-tu plus texan ou français?

Je suis français, mais le rêve américain fonctionne encore complètement pour moi ! De par les bouquins que je lis et la musique que j’écoute, je me trouve en partie imprégné par la culture populaire américaine, et texane en particulier, ce qui fait que je me sens presque chez moi quand je foule le sol US. Chez moi mais avec la petite boule d’excitation dans le ventre en plus, qui me fait comprendre qu’il faudrait que j’y aille plus souvent.


-       Le compliment que tu préfères entendre?


Lorsque les gens disent avoir eu des frissons à l’écoute d’une de mes chansons. C’est la plus belle chose qu’une chanson puisse procurer à son auditeur selon moi. Le mystère d’un frisson…



http://francosreporters.larochelle.fr/baptiste-w-hamon/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire